Un hivernage aux îles Kerguelen

Situation géographique

Petit archipel sub-antarctique perdu aux sud de l’Océan Indien, quelque part entre l’Afrique du Sud et l’Australie, les îles Kerguelen font partie des TAAFs – Terres Australes et Antarctiques Françaises. Balayées par les « quarantièmes rugissants » et les « cinquantièmes hurlants », ces îles sont parmi les territoires les plus inaccessibles au monde.

Pas de piste d’atterrissage pour les avions, trop éloignées pour les hélicoptères, le seul moyen d’atteindre ces îles est par la mer. Il faut 3 semaines de navigation au départ de La Réunion, et la seule liaison régulière est assurée par le Marion Dufresne seulement 4 fois par an.

Pas si petites que ça en réalité puisque l’île principale est grande comme la Corse.

Le Marion Dufresne, navire ravitailleur des TAAFs

Sur place, aucun habitant, mais une base scientifique et militaire, « Port Aux Français », maintenue en activité par une cinquantaine d’hivernants qui sont là pour 1 an.

l’intérêt de la présence humaine aux îles Kerguelen est multiple :

  • leur emplacement est idéal pour mener à bien de nombreux programmes scientifiques
  • elles sont situées sur les trajectoires des fusées et satellites lancés depuis la Guyane, Le CNES dispose sur place de matériel pour les suivre.
  • Météo France maintient une équipe de 2 à 3 personnes pour récolter des données météo
  • La zone marine qui entoure les îles des TAAFs (Crozet, Kerguelen, St-Paul Amsterdam) est immense et représente un intérêt stragétique notable notamment pour la pêche.
Radar de suivi de satellites opéré par le CNES

Port Aux Français, base scientifique et militaire

PAF est une base confortable, avec des bâtiments en dur pour les différentes infrastructures (garage, centrale électrique, mini-hôpital, restaurant, locaux d’habitation).

La vie sur base s’organise comme une véritable micro-société. Chacun a sa propre activité et on trouve tous les corps de métier : maçon, électricien, boulanger, cuisinier, médecin, mécanicien de la centrale, garagiste etc.

Si l’ambiance peut varier un peu d’une année à l’autre, on y retrouve souvent les mêmes tendances : l’isolement extrême contraint à une certaine rigueur sur bien des aspects mais n’empêche pas pour autant le côté festif de s’exprimer, bien au contraire.

Ma mission

Les sujets des programmes scientifiques menés aux îles Kerguelen sont nombreux et variés : sciences de l’atmosphère, magnétisme, géologie, biologie des plantes, des animaux, des insectes.

Embauché comme volontaire par l’IPEV – Institut Paul Emile Victor, institut polaire français, j’avais pour charge d’assurer le bon déroulement de l’ensemble des programmes scientifiques, c’est à dire décider de qui allait où, quand, comment et avec quel matériel, mais aussi assurer le ravitaillement des cabanes.

Les volontaires scientifiques de la 55ème mission aux Kerguelen
Mesure d’un éléphant de mer (préalablement endormi)
Recherche d’un éléphant de mer qui a une balise radio sur la tête, qui est parti en mer avec pendant 9 mois et qui vient juste de revenir à terre.
Guillaume et Léo fouillent des terriers de pétrel dans le cadre du programme ornitho de l’île Mayès
Guillaume tient ici un pétrel à tête blanche
Ici c’est moi, et ce pétrel a bien compris que ce n’était pas moi l’ornithologue !
Ce qu’on pourrait prendre pour des fourmis sont en réalité des « Anatalanta Aptera », des mouches sans ailes endémiques des îles Kerguelen. Il y a beaucoup trop de vent ici pour des mouches normales, celles-ci ont décidé d’abandonner leurs ailes !
Philippe, biologiste des plantes et insectes s’intéresse au chou de Kerguelen, espèce endémique
Les chats introduits par l’homme dans les années 1950 font l’objet de programme de suivi génétique, l’ensemble de la population de chats (des centaines sur l’île aujourd’hui devenus sauvages) étant issue de seulement deux couples de chats domestiques.

Sites isolés

Une grande partie des programmes scientifiques se déroulent à l’extérieur de la base, parfois même très loin de celle-ci. Des cabanes sont installées un peu partout dans l’archipel, en des endroits stratégiques pour le besoin de ces programmes.

Une grosse moitié de mon travail consistait à entretenir ces sites isolés et à en assurer le ravitaillement en nourriture, et énergie.

Le refuge des de la baie de la mouche

Toute une partie de l’île, la péninsule Courbet, de topologie relativement plane, est accessible en tracteur.

Il faut pas moins de 6h de tracteur pour atteindre la cabane du guetteur, sur le site de Ratmanoff
Les passagers de la remorque du tracteur subissent les 6h de cahots avec stoïcisme.
La plage de Ratmanoff, une des plus bondées du monde !

Le chaland permet d’atteindre toutes les iles du « Golfe du Morbihan » et la partie sud de l’archipel.

Certaines cabanes sont très sommaires, faites de palettes et de caisses bois. Mais dans des paysages tellement beaux !
La cabane des « sourcils noirs » est un véritable chalet de montagne. Pour l’atteindre, il faut 4h de navigation avec le chaland + 4h de marche.
Albatros à sourcils noirs
En plein hiver, les 4h de marche pour atteindre la cabane peuvent être particulièrement éprouvantes…
Deux grandes colonies d’albatros à sourcils noirs sont dans les environs de la cabane
Tiens, il y a aussi des cormorans dans le coin

Certains sites ne sont accessibles qu’à pied, et il faut parfois plusieurs jours de marche pour les atteindre.

pas de ponts pour traverser les rivières

Il m’est arrivé de profiter de l’hélicoptère du Marion Dufresne lors de ses courtes escales pour faire des ravitaillements sur des sites particulièrement inaccessibles